Notre patrimoine

pierres-12
pierres-13
pierres-14
pierres-15

Sommaire

La vie de 1500 à 1700

L’église St Gervais – St Protais

Il semblerait qu’à l’origine de Pierres, l’église n’ait pas occupé sa place actuelle, mais était située vers le carrefour de Théneuse, à la jonction de la route de Néron, sur la route de Nogent le Roi-Maintenon puis, pour des raisons ignorées, se serait rapprochée de Maintenon en 1540.

Pénétrons ensemble dans l’historique de l’église en référence au procès-verbal tiré de la séance du 3 mai 1860 sous la présidence de M. de Boisvilette.

« ….Je me suis arrêté à Pierres dont le joli portail avait attiré notre attention le matin. Ce portail, construit en 1540 et d’une architecture exactement semblable à celle du portail de la chapelle du château de Maintenon, ainsi que celle de l’église de Saint-Aignan à Chartres (1541) tellement qu’on peut affirmer, sans crainte de se tromper, que c’est le même artiste qui a sculpté ces deux portes. L’église a une belle voûte en bois dont les bandeaux conservent des restes nombreux de l’ancienne peinture (croix, fleur de lis et arabesques). Sur les murs, on remarque douze croix de consécration peintes – toutes différentes les unes des autres. Près du bénitier, est une petite pierre tombale de 30 cm de largeur sur 68 cm de longueur. Elle porte au sommet une croix pattée à l’entour et au centre on peut lire :
Cette famille Massard joue un certain rôle dans le pays. Un jean Massard fut chefcier curé chanoine de l’église collégiale de Maintenon de 1648 à 1687, mort le 2 mai 1587 à 70 ans. Thoma Massard (1599) et Florent Massard (1602) habitaient Pierres et y étaient assez considérés pour avoir pour parrain de leurs enfant, la demoiselle de Bois-Richeux, veuve de Marie Gaulet, procureur du roi à Chartres, Pierre de Françoys, ecuyer, sieur de la Fontaine.

Le clocher de l’église, hexagonal, fut reconstruit après 1619, car « le mercredy 7ème jour de febvrier 1619, entre onze heures et minuit, arrive une si grand fouldre qu’il ruina plusieurs batimens, arbres et entre autres, le clocher de l’église de Messieurs Saint Gervais et Saint Prothais de Pierres ».
Cette petite flèche a contenu jusqu’à trois cloches baptisées le 8 XI 1625 :
La première « Françoyse » fut nommée par H et P dame Françoyse Juliette de Rochefort Salvert, veuve de Charles d’Angennes, seigneur de Maintenon et Louis, son fils ;
La moyenne « Louyse », nommée par Louyse et Bernard d’Angennes ;

La petite Rose par Rose d’Angennes et Jehan du Thiers.
Celle ci fut refondue en 1727, baptisée le 17 août et nommée « Adrien Maurice » par Adrien Maurice, duc de Noailles.
De nouveau, le 12 avril 1769 « la belle et la bonne » disait le curé et nommée « Louise » par Monsieur de Noailles, marquis de Maintenon et la duchesse d’Ayan et enfin, le 12 juin 1782, nommée « Julienne Geneviève » par Geneviève Marie Barbier, nièce du curé.

Le hameau de Bois-Richeux

Les origines de Bois-Richeux, hameau dépendant des communes de Pierres et de Néron :
Ce hameau porte successivement les noms suivants :

NEMUS RICHENDIS (1160)
BOECUS RICHOLDIS (1180)
BOSCUS RICHOUDI (1350)
Puis BOIS RICHOUT, BOIS RICHARD, BOYS RICHEUS et enfin BOIS RICHEUX.
Dès le XIIe siècle, on avait essarté la plus grande partie des bois qui couvraient le territoire où ce hameau prit naissance. C’est le grand chantre Amaury qui établit la villa de Bois-Richeux. Il en fit construire trois autres : Tournainville, Eglancourt, Sainte Joie (ancien hameau de Villiers-le-morhier). Elles formaient avec celle de Challet-Trémemont-Chantepie (ancien hameau de Meslay-le-Vidame) Auvilliers (Meslay-le-Vidame) et Fresnay, la première des neuf villas franches du chapitre de Chartres.
En 1113, les moines de Thiron avaient, à Bois Richeux, une église ou abbaye dont il ne reste plus aujourd’hui aucun vestige. La chapelle Saint-Gilles de Bois-Richeux est mentionnée en 1490. Les matériaux propres à bâtir ont servi en 1827 à la construction du moulin de Pierres.
Au XIVe siècle, le chapitre de Chartres avait à Bois-Richeux, dans la paroisse de Pierres, 300 sous à prendre le jour de la Saint Rémi, sur les hostices (habitation des hôtes ou colons) de ladite Villa, 22 setiers d’avoine (mesure de Nogent le Roi) qui valaient environ 7 setiers et 3 raises (1 raise contenait 4 coupes ou poignées) avec les rentes (les rentes étaient un droit payé au seigneur pour l’aliénation d’une terre dépendante de la seigneurie. Cela correspond au droit de mutation d’aujourd’hui) et la justice (ceux qui avaient le droit de juger étaient dits avoir haute, moyenne ou basse justice, suivant que leur compétence était plus ou moins étendue.

En 1861, Bois-Richeux possédait une maison-un ménage- deux habitants.

Retour au sommaire

La vie de 1700 à 1870

Quelques faits de la vie Pierrotine à l’époque révolutionnaire.

Le 28 septembre 1792 An 1er de la République. Il y avait à Pierres 650 habitants.
Nomination du premier Maire de la commune : Pierre, Olivier Pelletier et ouverture d’un registre des délibérations.

Janvier 1793 :
Nomination du premier Garde champêtre de la commune : Jean Tranchant, moyennant 5 sols par mois. Lui succède : Pierre Fouquault, moyennant 25 livres, plus 5 sols par personnes arrêtées (une sorte de chasseur de primes)

Mars 1793 :
Enrôlement des volontaires pour défendre la République. On relève le nom de Pierre Olivier Dupont âgé de 25 ans.

Mai 1793 :
Organisation de la Garde Nationale. Deux sections sont formées : Théneuse et Croix Louis avec élection de l’encadrement.
A cette époque, on relève les noms de personnes siégeant à la municipalité en particulier celui de Jean Frot, procureur de la commune. Cette famille est toujours représentée à Pierres.
Nomination de la première institutrice de Pierres :
« Aujourd’huy, quatorze Pluviose An Trois de la République Française, une et indivisible, est comparue la citoyenne Anne Marguerite Fréville, femme du citoyen Allais qui a été reconnue par le jury être capable d’instruire les jeunes filles pour compléter les écoles primaires de ladite commune. C’est pourquoi nous l’instituons institutrice de ladite commune. »

Quittons l’époque révolutionnaire, mais toujours en relation avec l’école :

Décembre 1836 :
Décision de la construction de la première école communale et d’une chambre de mairie au lieu dit « l’Ancien Pressoir » (place de l’ancienne Mairie). La maison est d’ailleurs toujours en excellant état. « Afin de montrer à lire, écrire, le calcul, la grammaire, l’arpentage”. Elle reçoit 95 élèves dont 30 gratuitement et un instituteur ( qui était rémunéré par les élèves et par la commune pour les élèves qui ne payaient pas).

Inondation du 12 janvier 1841 jusqu’au 16 du même mois
Du 12 Janvier 1841 jusqu’au 16 du même mois, après un hiver assez rigoureux, suivi de grandes neiges et des pluies venues pendant le dégel qui s’opérait lentement, la commune de Pierres a été submergée à partir de la maison de Louis Maillard, jusqu’à celle du Sieur Angot, cabaretier, et du côté de Théneuse, jusqu’à l’église, ainsi que toute la rue appelée rue du Bilouis. Plus de 60 familles ont été forcées de quitter leur habitation et de voir leurs ressources consistant en grains, vins et autres denrées, flotter au milieu des eaux qui minaient et renversaient beaucoup de constructions.
Jamais de mémoire d’hommes, les inondations ne s’étaient élevées à un tel point. Certaines maisons avaient de l’eau à hauteur d’un mètre. La commune de Maintenon subissait le même sort, mais les eaux n’ont pas séjourné aussi longtemps dans l’intérieur.
Le 14 janvier, jour où les eaux furent les plus fortes, la place Saint Pierre, la Place Saint Nicolas et la route étaient semblables à un fleuve indompté dont les flots fuyaient à gros bouillons, se brisaient sur les maisons et menaçaient l’imprudent qui aurait voulu les braver bien que conduit par un cheval vigoureux.

Retour au sommaire

La vie de 1870 à 1940

Pierres est, à l’origine une commune essentiellement rurale composée de 20 à 25 fermes. Les familles étaient nombreuses. On y pratiquait la culture familiale sur 10, 15, ou 20 hectares. Sur ces terres, on cultivait le blé et la vigne. Les hautes Perreuses, les Grandes Vignes, la Vallée Villette fournissaient un vin de 6 à 7° utilisé pour la consommation personnelle.
Les Hautes Perreuses partageaient la culture de la vigne avec celle des pommiers. Tous les ans on faisait venir le faiseur de cidre et c’était l’émoi au village. La dernière presse fut faite en 1945 par Oscar Seigneurie, habitant Néron, qui était le dernier faiseur de cidre de la région.
Boisricheux, voyait paître en ses champs environ un millier de moutons, ce qui représentait une certaine prospérité.
La vie tournait autour du travail de la terre. On moissonnait à la faux. Toute la famille participait, les hommes fauchaient, les enfants ramassaient les bottes et les femmes faisaient les liens avec la paille de seigle. La moisson c’était la « Passedou ». A la fin de la moisson, la dernière voiture de gerbes de blé arrivait, décorée de fleurs de serpentins. Une grosse branche d’arbre plantée sur le devant de la voiture annonçait la fin de la moisson et les prémices des réjouissances. Le soir, un grand banquet réunissait les travailleurs autour des pâtés et du vin de Pierres.
Les femmes en ces temps, avaient la vie dure. C’était le lourd travail de la ferme, le travail à la maison, sans le confort que nous connaissons aujourd’hui , le ravaudage, la cuisine, les enfants.
Quelques femmes, en plus de ces travaux, lavaient pour les « maîtres » à la « fontaine » située alors sur l’Eure.
Le « centre » de Pierres, vers la mairie, était entouré de commerces. La boulangerie Pierot vit s’installer son premier boulanger en 1947, il s’appelait Mr Dorin.
L’épicerie-café Coeuret a continué sa raison d’être puisqu’à la fin du siècle, elle existait déjà. L’actuel café Binois était un café billard où les hommes seuls passaient le dimanche après-midi à se divertir.
Quelques personnes n’appartenaient ni à la terre, ni au commerce et elles trouvaient leur emploi à la chocolaterie (fermée pendant la seconde guerre mondiale) et à la laiterie.
Cette vie, essentiellement agricole, fut bouleversée en 1945 où la main-d’œuvre manqua. Le travail de la ferme ne pouvait plus nourrir la famille et les jeunes durent aller chercher un emploi en ville. On vit alors se transformer la population.
Madame France Canal
(les derniers propos ont été recueillis auprès de Mr J P Hache).

Retour au sommaire

La bataille du 16 juin 1940

Dans les hameaux et les villages aux alentours de Pierres, quelques monuments et quelques plaques de rues évoquent de façon laconique le 16 juin 1940.
Les écrits sur cet épisode de la dernière guerre sont assez rares et partiels. Aujourd’hui cette lacune est comblée par la parution aux éditions La Parcheminière, de l’ouvrage de Jean-Jacques François “La guerre de 1939-40 en Eure-et-Loir “. La richesse du contenu n’empêche pas une lecture aisée.
C’est grâce à son travail que je peux évoquer ici cette journée.

C’était un dimanche. 193 soldats du 26e Régiment de Tirailleurs Sénégalais ( RTS ) sont morts, après des combats héroïques, sur les communes de Pierres, Néron et Chartainvilliers. Certains ont été tués dans le petit bois qui borde la vallée de l’Eure, juste derrière chez moi.
Comme en 14/18, les soldats originaires d’Afrique viennent combattre sur le sol français. Jusqu’à l’armistice, ils résistèrent héroïquement. Nombreux, ils participèrent aux Forces Françaises Libres. La prise du mont Cassin qui permis la libération de Rome le 5 juin 1944, le débarquement de Provence, la libération de Paris avec la 2ème DB du Général Leclerc, sont des batailles dans lesquelles ils s’illustrèrent.
J’ai construit ces pages pour leur rendre hommage. Mais également à leurs enfants qui après-guerre furent recrutés chez eux par dizaines de milliers par les entreprises de l’automobile et du bâtiment pour participer à la reconstruction de la France. A leurs petits enfants, que certains désignent comme boucs émissaires du chômage, de la violence et du mal vivre. Si à travers ces quelques lignes, justice leur est rendue, mon site aura eu une utilité.
La dernière bataille de l’Armée française :
Tous les éléments de l’armée française devaient initialement se replier au sud de la Loire. Mais cette manœuvre ne sera pas exécutée. Les troupes n’ont plus que la possibilité de se replier par bonds successifs chaque nuit.
Voilà pourquoi au soir du samedi 15 juin, entre Marchainville ( dans l’Orne ) et Ablis ( dans les Yvelines ), le 10ème Corps d’Armée français de l’armée de Paris ( 30.000 à 40.000 fantassins ) fait face à plus de 60.000 soldats allemands.
Dans ce dispositif, le 26e RTS a pris position entre le Péage ( sur la N 154 entre Chartres et Dreux ) et Maintenon. Ce régiment a été formé à Dakar, capitale du Sénégal, d’où son nom. Il est composé d’hommes originaires de Guinée, de Côte d’Ivoire, du Burkina-Faso ( ancienne Haute-Volta ), du Mali. Très peu sont du Sénégal.

Samedi 15 juin :
Toute la matinée, le Général Gransard, commandant le 10e Corps d’Armée, est sans nouvelle de son supérieur, le Général Héring. Ce dernier est parti à l’aube par la route au Grand Quartier Général à Briare (sur la Loire, à l’est d’Orléans ) chercher les dernières consignes.
Dans l’après-midi, toujours sans nouvelle de son supérieur, il envoie l’ordre de repli à ses troupes. Cet ordre est à exécuter seulement à la réception par radio de la phrase de confirmation “Exécuter mes ordres” .
A 23 heures, toujours rien. Il annule le repli. Mais les communications entre les unités fonctionnent de plus en plus mal. Y compris la radio. Alors des officiers de liaisons sont envoyés vers les différents régiments avec une brève note indiquant que « les mouvements prévus dans la nuit du 15 au 14 sont annulés ».
Le Général Libaud, commandant l’autre Corps d’Armée de l’armée de Paris ( le 25e ), a décidé à 21 heures de maintenir le repli. Le Général Héring est de retour à son Quartier Général vers minuit ! Quant au Général en Chef Weygand, il avait quitté Briare dans la journée pour rejoindre Vichy !!!
Ces indécisions de l’État Major auront de graves conséquences sur les événements du lendemain.
Une partie de l’artillerie lourde, la première à se replier, aura déjà quitté la ligne de front quand le contre ordre arrivera. Face aux canons allemands, les fantassins français, n’auront aucune arme lourde à leur disposition.
Maintenon et la vallée de la Voise sont tenus par le 4ème Régiment de Zouaves ( 4e RZ ). Un bataillon du 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens ( 4e RTT ) est en réserve un peu plus au sud, à Houville-la-Branche. Après avoir attendu une bonne partie de la nuit les transports initialement prévus pour son repli, le régiment quitte ses positions à pied vers 1 heure. C’est en cours de route que son Colonel apprend l’annulation du repli et fait faire demi-tour en marche forcée à ses hommes. Mais il est trop tard. Maintenon n’est plus protégé, le flanc droit du 26e RTS non plus. Les Zouaves n’ont pas le temps de réorganiser leur défense sur la Voise que les Allemands l’ont déjà franchie, attaquent les Zouaves et les prennent à revers. Une très dure journée attend les hommes de ces deux unités au cours de laquelle 63 d’entre eux perdront la vie.

Dimanche 16 juin :
Occuper Maintenon
A 7 heures le colonel commandant le 26e RTS reçoit l’ordre d’occuper Maintenon afin de pallier le départ des Zouaves. Une compagnie qui était en réserve à Berchères-la-Maingot, commandée par le capitaine Aulagnier, emprunte la route de Chartainvilliers. L’aspirant Hepp avec un peloton de motocyclistes prend position au carrefour des routes Berchères-la-Maingot / Jouy et Chartres / Maintenon (aujourd’hui D 306, à l’époque N 10 ).
A 8 heures, venant d’Épernon, un groupement de reconnaissance motocycliste allemand du 38e Régiment d’Infanterie ( IR 38 ) entre dans Maintenon et s’engage vers la route de Chartres. Ils continuent jusqu’au carrefour tenu par le détachement de l’aspirant Hepp. Au cours d’un bref accrochage, le chef de Musique Joseph Pawlitta est tué. Ses compagnons font demi-tour et vont rendre compte à leur état-major. Ce n’est pas ce régiment qui attaquera le 26e RTS. Mais la mort de ce chef de Musique va susciter des réactions de représailles de la part des Allemands quand ils découvriront le corps dans la soirée.
A 9 heures 30, le détachement qui était en position entre Bois-Richeux et Chartainvilliers, fait route vers l’entrée de Maintenon  pour y prendre place. Vers 10-11 heures, arrivant à hauteur de l’espace occupé aujourd’hui par le camping municipal, les tirailleurs du 26e RTS se trouvent face à face avec une compagnie de cyclistes allemands. C’est l’avant garde du 22 ème régiment de cavalerie ( RR 22 ). Le combat s’engage, bref et violent. Sur le point d’être contournés par les Allemands, les Français décrochent en laissant 11 de leurs camarades tués.
A 10 heures, le capitaine Aulagnier arrive avec son détachement sur la route Maintenon-Chartres encombrée par des colonnes de réfugiés. Prévenu, par un officier de marine retraité, de la présence de soldats allemands entre la route et les » Terrasses de l’Aqueduc « , il décide de remonter vers Maintenon en longeant le bord du plateau par Grogneul où de nombreux bois peuvent servir de couvert.
Une section de tirailleurs est déployée le long de la route de Chartres. Ils montent dans les arbres bordant la route et ouvrent le feu sur les soldats allemands qui s’aventurent à découvert. Numériquement assez faibles, les cyclistes allemands n’attaquent pas. Ils attendent l’artillerie qui pilonne les arbres dès son arrivée. Trois tirailleurs sont tués. Ils seront enterrés au pied d’un vieux poirier le long de la route.
L’objectif pour les tirailleurs français n’est pas d’établir une ligne de défense mais d’atteindre Maintenon. Le capitaine Aulagnier envoie plusieurs pelotons, les uns après les autres, vers cet objectif. Il est probable que certains éléments ont pu traverser l’Eure et atteindre le hameau de Maingournois près de la gare.
A 16 heures 30, le gros du RR 22 arrive à Maintenon. La 2ème unité emprunte la vallée de l’Eure et entre dans Jouy vers 18 heures 20. Quant à la 1ère unité, elle est engagée sur le plateau contre les tirailleurs qui combattent pendant près de 2 heures “sans esprit de recul” . Un premier repli est organisé le long du chemin de Berchères à l’ouest et sur la route de Saint-Piat à l’est. Profitant de celui-ci, les Allemands rapprochent leurs canons. C’est un massacre. Les comptes rendus allemands sont saisissants :
 “Les nègres sont pris sous une grêle d’obus, devant, derrière. Nous tirons alternativement court et long, le cercle se resserre. C’est un spectacle qui retient toute notre attention. Il n’y a plus beaucoup de vivants là-bas ! ” .
Le journal des opérations du régiment allemand signale que les combats finirent vers 20 heures 20 après une troisième canonnade aussi meurtrière que les précédentes.
Sur les 400 hommes qui constituaient le détachement français le matin, 90 ont été tués dont 23 sur la commune de Saint-Piat ( hameau de Grogneul ) et 57 sur la commune de Chartainvilliers.
Plus de 6 heures de combat à Feucherolles
Vers 10 heures 30 des avions virent au-dessus de Feucherolles, hameau de Néron. Deux compagnies du 26e RTS y sont retranchées et se reposent, elles aussi, du repli avorté de la nuit. A 11 heures, le guetteur placé dans la cuve du château d’eau donne l’alerte. Venant de Nogent-le-Roi pour se rendre à Trémémont, l’avant garde du 1er régiment de cavalerie ( RR 1 ) se rapproche, accompagnée d’importantes unités d’artillerie.
Aussitôt les Français attaquent la colonne aux mortiers et font mouche. Les Allemands se déploient dans les villages voisins et pilonnent durant une heure le hameau. Derrière les murs en bauge des fermes, les tirailleurs repoussent le premier assaut des fantassins allemands. Le pilonnage reprend de plus belle. Guidé par le sergent Lehembre posté sur le château d’eau, les mortiers français réduisent au silence une batterie allemande. Aussitôt les Allemands ripostent sur le poste de guet qui est atteint de plein fouet par un obus. Le sergent et un autre soldat sont tués.
Un message est envoyé au colonel du régiment pour demander l’aide de l’artillerie française. Mais celle-ci s’est repliée dans la nuit et se trouve 50 km plus au sud !!!
A 13 heures, le gros du régiment allemand arrive en renfort à Néron. A la sortie du village, ils se heurtent à la 5ème compagnie du 26e RTS. Etant à découvert, elle ne peut résister bien longtemps et se replie sur Bois-Richeux.
Après un nouveau tir d’artillerie très fourni, les Allemands lancent leur deuxième attaque sur Feucherolles à partir du nord-est et du nord-ouest. Les tués et les blessés français sont nombreux et le poste de secours dressé dans une grange du hameau est plein. Les blessés légers après avoir reçu de premiers soins reprennent le combat ! Les Allemands lancent un 3ème assaut sans succès. Mais les munitions des défenseurs français s’épuisent.
A 15 heures 30, les blessés sont évacués en premier, par un goulot de 150 mètres de large. Pris sous la mitraille, beaucoup seront tués ou capturés.
A 16 heures, le quatrième et dernier assaut est donné et se termine au corps à corps. Les tirailleurs se replient par le goulot. Vers 17 heures, le combat de Feucherolles est terminé. Quarante soldats français y ont trouvé la mort.
Au même moment, le hameau de Bois-Richeux est attaqué.
Le hameau de Bois-Richeux ( commune de Pierres ) est survolé par un avion qui lâche deux petites bombes dont l’une met le feu à la grange de Mr Gallas. Les 500 tirailleurs résistent à deux escadrons allemands venant de Néron ( un au nord et un à l’est ) jusqu’à 18 heures 30, avant de se replier en laissant 5 morts.
Jusqu’à 20 heures, Bouglainval est assiégé.
La commune de Bouglainval est séparée du hameau de Feucherolles par le « bois de Néron », assez vaste. La progression des Allemands y est difficile grâce à la résistance des tirailleurs en repli. Retardée également à l’est par les combats de Bois-Richeux, la 2ème unité allemande n’atteint Bouglainval que vers 20 heures. Constatant l’encerclement presque complet, les Français ( environ 200 hommes ) se replient avec armes et matériels par la route qui mène à Berchères-la-Maingot.
A l’est, au carrefour routier du Péage, les Français bien retranchés font une farce aux Allemands.
Toute la journée alors que le bruit des combats parvient de Feucherolles à l’est et d’Achères à l’ouest, la compagnie retranchée au Péage, n’est pas inquiétée. Vers 16 heures quelques éléments de reconnaissance viennent tester la défense française et sont prestement mis en fuite par celle-ci.
A 18 heures, le combat de Feucherolles est terminé. Les Allemands se rapprochent mais évitent le Péage. C’est un autre régiment, le 21e régiment de cavalerie ( RR 21 ) qui venant par la route d’Ormoy et de Serazereux attaque au nord.
Vers 20 heures, l’artillerie allemande entre en action, suivie d’une nouvelle attaque. Les tirailleurs ont une “très belle tenue”, l’ennemi est arrêté à cent mètres et doit se replier.
A partir de 22 heures 30, le repli commence, section par section. Il se terminera à 23 heures 10 par le départ vers Chartres des derniers soldats. Les Allemands sont blousés et ne se rendront compte du départ des Français que le lendemain matin vers 5 heures.
Le repli des premières sections s’effectue sans encombre jusqu’à Bonneval, 30 kilomètres au sud de Chartres. La section du lieutenant Coutures, partie la dernière, se heurte aux autres régiments allemands qui progressent vers le sud-ouest et qui ont déjà coupé la N 154. Au moins 8 tirailleurs seront tués lors d’accrochages. Se retrouvant seul, le lieutenant sera capturé près de Lèves, à quelques mètres de la maison de son cousin où il comptait se réfugier.
Lors de cette journée, 460 soldats français sont morts en Eure-et-Loir et 76 dans les Yvelines. En ajoutant à ce chiffre les 234 allemands tués, les combats de cette journée ont coûté la vie à 630 hommes.
Nous sommes bien loin de l’image d’Épinal véhiculée par des films comme « La 7ème compagnie ». Les soldats français ont courageusement combattu. Ils l’ont chèrement payé. Même coupés de leurs régiments du fait des replis successifs et de l’avance très rapide de l’armée allemande, ils continuaient le combat au sein d’autres régiments. Complètement isolés, ils n’hésitaient pas à faire le coup de feu sur les colonnes ennemies, comme dans le bois de Pierres, lors de l’attaque du hameau de Bois-Richeux. Ce constat est également vrai pour les officiers. Le nombre de tués, de blessés et de prisonniers dans leurs rangs, démontre leur participation active à ces combats.
Plusieurs aviateurs furent abattus au-dessus du département durant cette journée. Alors qu’ils regagnaient à pied les terrains d’aviation pour poursuivre leurs missions, certains d’entre eux furent pris à partie par des civils qui les accusaient d’être des espions allemands. Ils ne durent leur survie qu’en menaçant la foule avec leur revolver ! Quelques-uns, partis de Cognac, réussirent à gagner l’Angleterre le 18 juin dans la journée, avant que le Général de Gaulle ne lance son appel à la BBC.
Il y a bien eu des colonnes de soldats, qui n’avaient pas tous des armes, mêlés aux réfugiés. Ils faisaient partie des unités non combattantes ( dépots et services de l’arrière). Ils n’étaient pas entraînés aux longues marches. Ils se repliaient sur ordre de l’état major. Ce n’étaient pas des déserteurs.

(Mr Raymond Odent)

Retour au sommaire

Fin